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03/11/2010 13 01 04 (UTC)[citer]
Nous vivons toujours comme ça, où est le mal ?
le 01/11/09

Quand il s’agit de dénigrer l’Afrique, les médias occidentaux sont unanimes : il faut sortir la grosse artillerie médiatique ! Et le comble est qu’ils trouvent toujours en Afrique et parmi les africains, des oreilles assez bêtes pour les écouter ainsi que des mains assez lâches pour les applaudir !
Hier, c’était la « femme africaine » qu’on dressait contre « l’homme africain », sans succès d’ailleurs et fort heureusement ! Aujourd’hui les monstres de l’Afrique s’appelleraient Robert Mugabe, Dadis Camara. Pick Botha, lui, n’avait rien à se reprocher tandis que, pour les français, Idriss Deby du Tchad aurait été démocratiquement élu, tout comme Sassou Nguessou et pas Ange Félix Patassé. C’est ce qu’on nous dit de dire et d’y croire. Un point, c’est tout ! Moi, je refuse. Je refuse de voir la moindre silhouette d’un monstre en la personne de Mugabe et de Camara, ces illustres fils d’Afrique !

Que Dadis Camara reçoive des journalistes au lit, dans sa chambre, où est le mal ? Nous ne sommes pas à l’Elysée, à ce que je sache ! Nous sommes à Conakry en Guinée et en Afrique. Pourquoi veut-on que Dadis Camara reçoive ses invités à la Sarkozyenne ? Le décor qu’on nous a décrié sur France 24 est un décor africain et non gaulois. C’est tout à fait normal. C’est comme ça que nous vivons en Afrique. Où est le problème ?

Essayons de voir ensemble comment, subtilement, l’Europe occidentale nous avilisse toujours dans le but de mettre la main sur nos immenses richesses encore inexploitées ! Il nous faut, en effet, tirer la sonnette d’alarme contre le complot insidieux, malintentionné, ourdi en ce moment contre le peuple guinéen, et plus généralement contre l’Afrique. Pour cela, nous revenons trois décennies, en arrière, pour voir comment l’occident avait tenté, en vain dès les années 70-80, de saper les fondements culturels et idéologiques du rôle historique de la femme africaine et donc de saper les fondements, tout court, des sociétés africaines, en essayant de dresser la femme africaine contre son père, son frère et son mari. Pour cela, nous emprunterons largement la réflexion de Monsieur Jean-Paul Ngoupandé (Ancien Premier ministre de la République centrafricaine), réflexion faite récemment lors d’un colloque universitaire.

Dès les années 70-80, en effet, traumatisés par le 1er choc pétrolier, les « démos [n]craties » occidentales, à travers leurs médias, ont peint la femme africaine de toutes les vertus, avant de conclure que celle-ci est victime de la masculinité africaine, entendu victime des sociétés de type patriarcat. Moralement, pour nous africaines et africains, rien n’est pire que le discours consistant à parer la femme africaine de toutes les vertus. Celle-ci n’est ni meilleure ni pire que la femme d’ailleurs. Il ne faut même pas l’idéaliser, car elle est partie intégrante et moteur fonctionnel de la société africaine : « elle en porte les qualités et les tares, au même titre que la composante masculine de la population africaine. Elle est à l’image des problèmes et des blocages actuels du continent », disait un jour une éminente personnalité africaine que nous taisons, ici, le nom.

De quelle femme s’agit-il ? Eve ou de Lucy?

L’image de la femme africaine telle que brossée par certains médias occidentaux, comme on brosse aujourd’hui celle de Robert Mugabe et de celle du chef de la junte guinéenne, n’est tout simplement pas proche de la réalité sociologique africaine. Cette image n’est ni celle de l’africaine d’hier ni celle de l’africaine d’aujourd’hui. C’est une image caricaturale de ce que peut être l’extrémisme dévastateur des médias occidentaux, quand tout est fait pour que la moindre fenêtre favorable à la paix et à la réconciliation soit hermétiquement fermée, en Afrique, par la distillation d’une passion aveuglante comme on a pu le constater régulièrement sur France 24 ou RFI!

Tenez ! Tout le monde a encore à l’esprit le dénigrement, en 2003, de l’épouse du chef de l’État ivoirien, Madame Simone Gbagbo, par la presse occidentale, notamment française. Presque toute la presse occidentale a en effet, pointé du doigt ce qu’elle appelle « certaines dérives de cette Dame qui hypothèquent la solution de la très grave crise que traverse, depuis le 19 septembre 2002, cet important pays ouest-africain ». Et, Photos à l’appui, la presse française a présenté Simone Gbagbo comme « le chef de file des faucons du régime du FPI (Front populaire ivoirien) ». Ce seul exemple, tiré de l’actualité, est suffisamment révélateur en ce qui a trait à la manipulation occidentale du statut de la femme africaine et suffit pour battre en brèche les propos consistant à présenter la femme africaine comme une personne mineure, « éternelle enfant », soumise et exploitée par l’homme africain. Non, la femme africaine, hier comme aujourd’hui, n’est pas « un objet », elle n’est pas « une éternelle enfant ».

Il y a quelques années, prenant part à un colloque universitaire sur le rôle et la place de la femme dans l’évolution de l’Afrique, Monsieur Jean-Paul Ngoupandé (Ancien Premier ministre de la République centrafricaine) avait avancé, sous forme de boutade, que « la femme en Afrique, c’est Lucy, et non Ève ». Comment comprendre cette boutade de cet imminent universitaire centrafricain? En effet, selon Jean-Paul Ngoupandé, Lucy est la première dans l’ordre de la création, c’est-à-dire l’alpha, celle qui est à la source de la vie en Afrique. Contrairement à Lucy, Ève, la femme occidentale, elle, dérive de l’homme occidental, d’après le livre de la Genèse (écrit par les philosophes occidentaux et non par des africains). C’est Ève et non Lucy qui a été « fabriquée » à partir d’une côte extraite de la poitrine d’Adam. Il y a là une différence de taille, à la fois religieuse, culturelle et idéologique, entre la conception judéo-chrétienne, de la femme et celle de l’Afrique traditionnelle, non seulement préislamique mais aussi précoloniale. Jusqu’à une époque récente, la femme, dans les cultures occidentales, était un peu synonyme de péché, d’impureté et d’âme damnée de l’homme : « La femme douze fois impure », comme disait le poète occidental… Il s’agit de la femme européenne et non de « Lucy », la femme africaine. Lucy, elle, n’a pas été fabriquée à partir des côtes d’Adam mais c’est bien Eve, le prototype de la femme occidentale, peinte de tous les péchés par la sagesse occidentale.

Nous ne disons pas, ici, que le statut de la femme est plus enviable dans les cultures africaines qu’ailleurs. Non, loin de là ! Nous voulons simplement souligner ce que les médias occidentaux ont volontairement tu. Ils n’ont, par exemple, pas dit que les sociétés africaines animistes [préislamiques et précoloniales] sont d’abord et avant tout des sociétés matrilinéaires. La femme ne peut pas y être telle que rapporte régulièrement la presse occidentale, notamment française.

Nos sociétés sont avant tout de tradition matrilinéaire
Les fouilles archéologiques et les travaux de recherches des grands historiens sont là pour l’attester : c’est l’islam et, ensuite, le christianisme qui ont introduit le patriarcat en Afrique. Les survivances de ce passé matrilinéaire de nos sociétés sont encore très présentes dans nos états d’aujourd’hui. Ainsi, si on prend tout l’espace bantu, celui qui va du sud du Tchad au Cameroun, en passant par la République centrafricaine, à l’Afrique du Sud – soit plus de la moitié des États subsahariens –, eh bien tout cet espace est de tradition matrilinéaire, avant tout. Et si l’on ajoute que, du Grand Lahou en Côte d’Ivoire à Cotonou au Bénin et de Lomé au Togo à Kumasi au Ghana, soit dans une zone qui concerne au moins quatre pays ouest-africains, le matriarcat est la règle, alors on mesure mieux la place de choix qui est celle de la femme en Afrique noire traditionnelle. Dans ces espaces culturels, les prérogatives de la mère ne sont pas une fiction. On est d’abord fils ou fille de sa mère, et donc membre de la famille maternelle, avant d’être raccroché à la lignée paternelle. La succession dans les chefferies et royaumes traditionnels se fait, dans ces espaces culturels, d’abord au profit du fils de la sœur. La descendance paternelle ne vient qu’après. L’exemple pathétique, tiré là aussi de l’actualité, est celui des remous qui ont accompagné le choix d’Henri Konan Bédié pour la succession du feu Président Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire. On a pu constater que les proches du feu Président Félix Houphouët-Boigny, du côté notamment de ses sœurs et cousines, s’estimaient, en considération des coutumes « Baoulés », les mieux placés pour cette succession et boudaient l’arrivée à la présidence de l’ancien président de l’Assemblée nationale Kona Bédié.

Autre fait qui bat en brèche la vision occidentale de la femme africaine : dans les contes populaires africains tout comme dans les récits mystiques, nulle part il est souligné que la femme est issue de l’homme (la côte d’Adam). Le péché originel n’est pas imputé à la femme africaine comme ce fut le cas dans la religiosité occidentale. Telle que perçue en Afrique, la femme est ce qu’il y a de plus sacré. La pire des injures, celle qui peut conduire au crime par les réactions violentes qu’elle entraîne, est celle qui est adressée à la mère d’autrui, surtout lorsque cette insulte fait allusion au sexe maternel. Une telle insulte entraîne nécessairement réparation. Insultez n’importe quel africain à travers sa mère ou insultez sa mère en sa présence et vous verrez sa réaction. Le monde entier n’a-t-il pas vu la réaction de Zinedine Zidane à la finale de la coupe du monde en 2006 en Allemagne ? Le joueur italien l’a insulté à travers sa mère et sa sœur. Ce qui est inadmissible pour un africain. La suite, vous la connaissez !

Finalement la femme africaine est la racine de la vie dont elle est aussi la garante, à chaque étape de la croissance de la vie qu’elle donne : l’enfant qu’elle met au monde. Les Africaines, traditionnellement, sont terriblement conscientes de cette énorme responsabilité et il n’y a pas pire opprobre que le fait, pour une femme africaine, d’abandonner son enfant. Voilà pourquoi, dans les sociétés africaines, l’éducation des enfants a toujours été affaire de femme.

On écoutait récemment des défenseurs européens des droits de la femme évoquer la liberté pour une mère d’abandonner son enfant. En Afrique, ce ne serait pas une liberté, mais un crime, sans doute parmi les plus inexpiables.
Voilà, là, pour ce qui est du fondement culturel et idéologique, que confirme le rôle historique de la femme dans nos sociétés, à commencer par son rôle économique. Or l’occident nous y apprend autre chose. Et nous autres africaines et africains, nous applaudissons ! Nous allons même jusqu’à ancrer dans notre mentalité que notre culture n’est pas bonne ! Moi, je dis le contraire !

Chères sœurs africaines, chers frères africains quand les médias occidentaux se mettent à dénigrer certains de nos dirigeants, posons-nous d’abord la question de savoir dans et pour quels intérêts ils l’ont fait ainsi ? En quoi Robert Mugabe est-il un monstre ? Et où est le mal quand Dadis Camara reçoit des journalistes en étant en pyjama, sur sont lit, dans sa chambre à coucher ? Puisque ça été toujours comme ça notre façon de vivre en Afrique. Où est le mal ?

Cordialement vôtre.
Michelot Yogogombaye



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